Une semaine sans smartphone : detox digitale

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Cet article a initialement été écrit par Sophie en 2014. Boudu Toulouse avait alors deux mois, elle était étudiante, Instagram n’avait pas encore « explosé » . On le republie aujourd’hui car le sujet de la détox digitale est plus que jamais d’actualité.

La detox digitale forcée

Bon, je l’admets : cette semaine de test, ce n’était pas fait exprès.

Je partais gaiement à l’épicerie du coin de ma rue afin d’aller acheter quelque chose que je n’ai pas trouvé (c’est ce qu’on appelle un double échec). J’avais mon téléphone dans ma main, tel une prolongation de moi-même.
Je n’écoutais pas de musique, je n’envoyais pas de textos, et je n’appelais personne. Il était juste dans ma main, sait-on-jamais, histoire que je sois ultra opérationnelle au cas où il se passait quelque chose de grave
(« chériiiiiiiie, il m’a écrit ‘salut ça va » je réponds quoi ????? » – ce genre d’urgence quoi).

Je suis la personne la plus maladroite de la terre. C’est donc tout naturellement que mon portable s’est explosé face contre terre sur le bitume, sans aucune raison apparente. Je suppose donc que la partie de mon cerveau reliée à ma main droite est aussi impulsive que moi, et a subitement décidé de lâcher mon téléphone, sans m’avertir préalablement – sinon j’aurais réagi, mon téléphone ne serait pas tombé, et tu ne serais pas en train de lire cet article.

Par manque de temps – dormir, manger, lire des articles sur Slate-, je suis allée réparer mon téléphone seulement une semaine plus tard.
J’ai donc passé (roulements de tambours) une semaine sans smartphone. Et là, tu te dis « woooooow cette fille est une véritable guerrière, une sorte d’héroïne nationale, la Jeanne d’Arc des temps modernes« . Et je te comprends.

Etant donné l’addiction quasi-universelle de notre génération aux smartphones, on s’est dit : tiens, pourquoi ne pas faire un article sur cette drôle d’expérience ?

Les trucs nazes de la vie sans smartphone (beaucoup moins nombreux que je pensais)

Vendredi, 2h du matin, retour du travail en Vélib :

De la station de Vélib à chez moi, il y a seulement une minute de marche. Mais c’est la nuit, et même si je ne souffre pas de paranoïa aiguë, je flippe un peu toute seule dans la rue passé 22 heures. En rentrant chez moi ce soir-là, je me suis dit « si j’me fais kidnapper ou un truc dans le genre, la police ne pourra pas me géolocaliser« . J’ai tout de suite été rassurée par l’idée que dès le lendemain matin, le kidnappeur m’aurait surement relâchée en voyant ma tête au réveil, mais quand même.

Ma mère ne m’aime pas :
je n’ai pas averti ma mère du fait que je n’avais plus de téléphone,  et cinq jours plus tard, il n’y avait aucun avis de recherche ni sur le net ni dans la presse. Donc, elle s’en fout de moi.
(elle va sans doute me tuer pour avoir écrit cette phrase – maman, si tu veux que je la retire, tu me donnes ta veste en jean  et ta terracotta de Guerlain)

Mon père me bizute :
j’ai prévenu mon géniteur via Facebook de mon souci de téléphone. Tu la connais, la mention « Vu à 17h52 » sur la messagerie Facebook ? (oui je sais, on déteste tous Facebook d’avoir rajouté ça l’année dernière). Et bien il a vu le message, et ne m’a toujours pas répondu. La plupart des filles se plaignent quand leur mec ne répond pas après avoir vu un message. Et bien moi, c’est mon père.
(et là tu te dis : oh la pauvre enfant, ses parents n’en ont rien à faire d’elle – alors je tiens à rectifier ils sont vraiment gentils et drôles et beaux et intelligents – )

Oublier ses clés
Le soir de ma première journée sans téléphone,  je suis allée au restaurant avec une amie. Elle m’a déposée chez moi après, et je me suis retrouvée en bas de mon immeuble, sans clés. Elles étaient bien au chaud dans ma chambre – comme moi, mes clés ont visiblement besoin de beaucoup de sommeil. Et avec mon coloc de frère travaillait jusqu’à 1h du matin.
Bref, heureusement que j’avais crée préalablement des bonnes relations de voisinage et que j’ai pu me servir du Facebook de ma voisine pour appeler des proches à la rescousse. C’était quand même galère.

Les trucs trop cool de la vie sans smartphone (et, ô surprise, il y en a !!)

Une incroyable sensation de liberté :
Avec l’Homme, nous sommes partis 24 heures à la mer pour voir si c’était mieux là-bas (et c’est mieux là-bas). Sincèrement, le fait de partir sans téléphone change tout. Tu prends un cadre de rêve, la mer, le soleil, une chambre paradisiaque (la chambre Brindille du Clos des Chevaliers, si vous avez l’occasion, foncez là-bas, c’est juste fantastique), et pas de téléphone : la perfection. Tu profites de tout. Tu es coupé du monde pour de vrai et ça fait un bien fou.

Voir sa meilleure amie plus souvent :
Je suis au téléphone avec elle à peu près dix fois par jour, mais on ne se voit qu’une fois par semaine (c’est une future avocate brillantissime alors je respecte ses études uniquement par intérêt : quand je serai une femme d’affaires accomplie – bon pas demain, demain je dors – elle s’occupera de mes dossiers juridiques). Et là, comme on n’en pouvait plus de ne pas pouvoir se raconter nos vies, on a improvisé plus de rendez-vous tellement on se manquait.

-Les gens qui m’entourent sont à l’heure aux rendez-vous :
je ne m’en étais jamais vraiment rendue compte car j’attends toujours les gens en trafiquant sur mon téléphone – et puis surtout en envoyant les fameux textos « t’es où ? j’arrive », qui, je le pense désormais, ne servent à rien. Mais là, avoir rendez-vous à l’extérieur avec quelqu’un sans téléphone, c’était un peu la panique : et si il est en retard, et si elle est coincée dans les bouchons, et si tout à coup elle annule, etc. Et bien non. Mon mec est arrivé à l’heure, mes copines sont arrivées à l’heure, et même le journaliste de La Dépêche est arrivé à l’heure. Et quand bien même ils seraient arrivés en retard, j’adore observer les gens, alors j’aurais pris le temps de regarder autour de moi ce qu’il se passe plutôt que d’apprendre qu’un de mes contacts Facebook vient de s’acheter une nouvelle paire de baskets (bien que cette info soit considérée comme de la plus haute importance, on s’entend).

Le gain de temps :
Je ne sais pas si c’est vraiment lié, mais j’ai vraiment fait plus de choses que d’habitude cette semaine – de choses utiles je parle.
Au final, on perd tellement de temps à rien faire sur nos téléphones qu’on en oublie de s’activer.
Génération procrastination : peut-être que le mal vient de là, qui sait ?
(Oui, je suis la fille spirituelle du philosophe Blaise Pascal, ne me teste pas)

La vie sans les heures :
dans le monde, il y a deux catégories de personnes : ceux qui ont des montres, et ceux qui n’en ont pas. J’appartiens à la seconde catégorie, par pure conviction (oui, absolument, le fait de ne pas porter de montre est un acte très engagé). Sans téléphone, je me suis donc aperçue qu’en ville, il n’y a l’heure nulle part. Et bizarrement, ça m’était complètement égal. Quel bonheur de vivre sans cette foutue pression des minutes qui passent.

Je ne veux pas faire ici un discours moralisateur.

Je sais combien avoir un téléphone est essentiel, à l’heure actuelle, et je pense qu’il est très compliqué de réussir à s’en passer vraiment. C’est la raison pour laquelle je suis finalement en train de faire réparer mon téléphone, plutôt que de passer le restant de mes jours injoignable . Bien que, je tiens à le faire remarquer, les personnes autour de moi ont l’air de plus s’impatienter que moi-même.

Cependant, cela m’a permis de me rendre compte que je l’utilisais trop.

Essaye de prendre un verre avec quelqu’un en coupant ton téléphone : c’est la moindre des politesses, tu me diras, mais si tu observes bien les terrasses des cafés, tout le monde regarde son téléphone sans cesse, répond aux messages, etc. Et en fait, prendre un verre en terrasse sans téléphone, parler vraiment avec les personnes qui  sont en face de toi sans être dérangé en permanence, c’est un vrai bonheur.
Pour finir cet article en beauté, je citerai cette jolie phrase de William Shakespeare :
« Tout esclave a en main le pouvoir de briser ses chaînes. »
(…et la vitre tactile de son téléphone portable)

About author

Sophie Franco

Fondatrice de Boudu Toulouse. Aime les mots, les gens, les restos, le café et la Burrata.

3 comments

  1. Daddy Erik 12 février, 2015 at 15:44 Répondre

    ça fait plaisir de voir que tu as finalement compris toute seule des choses que j’essaie de t’expliquer en long en large et en travers depuis des années… Ton père!

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